lundi 29 septembre 2008

A une passante...

Il est des histoires d'amour que l'on ne commence jamais et qui pourtant, ô paradoxe, ne se sont jamais terminées. Elles vivent encore en nous et brûlent d'un feu inextinguible.

Je me souviens de plusieurs d'entre-elles. C'est un peu l'histoire de toute ma vie, ces histoires jamais commencées et qui auraient changé ma vie et les autres commencées que je n'aurai jamais dues entamer.

Je me souviens de ce métropolitain qui me transportait vers le Cinquième.

Je me souviens du livre que je lisais.

Soudain, un regard, sur moi. Comme une presse.

Je lève la tête, regarde et découvre un adorable condensé de féminité devant moi de l'autre côté de la porte coulissante, qui me sourit de ses yeux lumineux.

Je me retourne, pour voir qui est l'heureux(se) élu(e)...

Derrière moi, personne...

Je me retourne, toujours ce sourire, et tout en me regardant, elle fouille dans son sac et sort un livre...

Le même que le mien...

Il y avait bien peu de chance de rencontrer quelqu'un possédant ce livre là, d'un auteur peu connu, publié dans une maison confidentielle.

Presque aucune...

Le métro s'est arrêté, elle s'est levée, toujours souriante, je n'étais plus qu'une théorie de particules éparses, décomposées, en pleine accélération dans le synchrotron de ses yeux.

Ses yeux n'ont pas quitté les miens...

La porte s'est refermée, le métro s'est ébranlé...

Je ne l'ai jamais revue.

Et pourtant, en moi, son souvenir encore résonne, comme pour bien peu de personnes.

"ô toi que j'eusse aimée, ô toi, qui le savais..."

mercredi 24 septembre 2008

Si...

Si j'étais Gepetto,
Je ne serais toujours pas bien beau,
Vieilli, le dos lourd, les mains usées,
Le visage buriné mais toujours bronzé...

Avant la venue de la maîtresse, je parfumerais mes lèvres à l'Amaretto,
pour donner à mes baisers une saveur sucrée et capiteuse, un parfum nouveau,
qui ferait renaître en la femme mûre et volage,
l'enfant d'avant, si timide bien que peu sage,

Je choisirais le meilleur cuir, la plus belle soie,
L'amour crée certes des liens,
Je préfère les miens...
Je la lierais à mon lit, à un escalier, jamais à moi...

La fenêtre de mon atelier serait ouverte,
A la nuit, tes suppliques seraient offertes,
Et le bruit de nos émois donnerait à la cité,
Comme un parfum sauvage et épicé...

Elle serait alors une égérie, un modèle, un repoussoir,
Pour celles, les autres, les délaissées, les oubliées, les niées,
Elle serait une invite à reprendre la liberté,
L'étreinte n'est ni une ergastule, ni un mouroir...

Son corps, son visage, seraient mon établi,
La moindre de ses aspérités, ses creux, ses plis,
S'offriraient aux coups de mes savants outils,
Et j'aurais du coeur à l'ouvrage, amie...

Je commencerais par là où on n'a jamais commencé,
Son bas droit serait le gant de ma première caresse,
Et puis, souillé de ses flux sacrés,
Je l'enfilerais à nouveau sur sa cuisse avec tendresse...

Je laverais sa toison avec mon meilleur lait, avec les plus grands vins,
Pour goûter le mélange inconnu du profane et des catins,
De son odeur et des liquides agricoles,
Pour ensuite, Barbare, Indien, la souiller de mon sperme frivole...

Qu'écrire du creux de ses reins ?
Aucun chemin n'est étranger à mon apostolat,
Et il est tant, et temps de lustrer de mes lèvres magentas,
Ce pli intime, ce pli étroit, ce creux souverain...

Hélas... Déjà la raison reprend ses droits. Jamais elle n'abandonne,
Et les heures sages leur chant déjà entonnent
Tu n'es pas Gepetto...
Il te manque une Pinocchio...

dimanche 21 septembre 2008

D'Eros à Morphée en terminant par Esculape

Elle dormait.

Moi, je ne dormais plus.

Je me sentais religieux. Je me sentais habité...

J'avais envie de rendre un culte, mais pas à Morphée. J'eusse voulu une autre divinité. Vu mon désir, en effet, Eros me semblait plus approprié.

Elle dormait, du moins, c'est ce que je croyais.

Je me suis approché de son dos, pour me serrer encore plus fort, juste pour savourer le plaisir d'être contre son corps nu.

J'étais tout contre elle, un amant alerte contre sa maîtresse assoupie. Paradoxe nocturne que l'amour pourtant interdit.

Soudain, j'ai senti une de ses mains, prendre mon désir et le guider en elle...

N'était-ce donc pas moi qui dormais et qui rêvais ?

Elle était brûlante, humide, elle m'attendait.

Sans un mot, nous avons commencé notre ronde, sans tendresse, avec fureur, pris par une vigueur animale.

Par le vecteur des élans, elle s'est retrouvée rapidement, perpendiculaire à moi. Nous n'en eûmes cure. Euclide était oublié. Qu'eût-il pu faire devant la force de nos élans et ma main qui agrippait son flanc ? Dans cette tempête, il me fallait bien m'accrocher. J'étais à la fois le radeau et la vague.

Soudain, elle m'a rejeté comme un fétu de paille.

Je me suis retrouvé sur le flanc, comme une bête blessée, mugissant de la douleur causée...

Elle s'est agenouillée. Je compris le message. Je l'ai investie, ainsi, avec une force nouvelle.

Toujours aucun mot, seul l'écho de nos élans.

De plus en plus vite, de plus en plus fort, le lit bougeait avec nous, les draps étaient repoussés...

Tout à coup, elle m'a demandé, elle a exigé, puis, elle a supplié que je jouisse en elle au même-moment qu'elle.

Parfois, j'avoue, je sais être un bon génie. Son voeu fut accordé...

Notre pyramide s'est alors écroulée, elle s'est retournée sur le flanc, comme une bête blessée, à son tour, nos souffles encore hachés.

Nos épanchements intimes avaient suscité des flux qui s'écoulaient libres, encore vivants, tachant les draps après avoir souillé nos deux corps où ils étaient nés.

Ma main reposait sur son ventre, elle tremblait, j'avais chaud.

Nous nous sommes endormis de suite, dans les vapeurs d'Eros, qui toujours, une fois consommées, appellent l'éther de Morphée...

Au matin blême, une pensée troublante, une charmante interrogation... Avais-je rêvé ?

dimanche 14 septembre 2008

J'ose l'émasculation

Et si je m'émasculais...

Et si la prochaine fois, la fois prochaine, d'une main cruelle, d'une main souveraine, je m'émasculais...

Et si je retranchais de moi cette partie qui me fait irrémédiablement homme,

Et si eunuque je devenais, le temps d'un rendez-vous, (rassurez-vous, je ne suis pas encore devenu fou)

Quel beau défi ce serait ! Et pour combien d'hommes une aporie ?

Car j'ai envie de t'aimer sans céder à cette partie de moi, celle qui est mâle. J'ai envie de t'aimer comme le ferait une femme adepte de l"amour qui n'ose dire son nom", sans artifice, ni artefact, ni objet, sans rien d'autre que ce que la nature m'a donné.

T'aimer avec cet arsenal...

T'aimer avec cruauté, car je serai cruel, car blessé.

Ma langue en te caressant ne t'accordera pas le déchirement du plaisir ultime, elle s'arrêtera à temps, ton souffle et ton ventre me le diront, car toujours, sous mon emprise, ils te trahiront, comme ils t'ont trahie...

Je jouerai avec ton bouton, de mille façons, mais surtout de cette façon-là, qui était inconnue de toi, en l'aspirant comme si je voulais l'extirper pour l'avaler et le conserver au plus profond de moi. Je le titillerai, de haut en bas, il sera parcouru, gravi, dix fois, quarante, cent fois, je l'apaiserai, immonde que je serai, de mon souffle, ou je t'aimerai alors de mes yeux...

Je te caresserai comme un païen une idole adulée, de mon regard de profane, de mes yeux de mortel,

J'imprégnerai mon nez de tes parfums, tous, les plus intimes, cette odeur marine, mais aussi les sucs qui s'écoulent sous tes bras, l'eau qui fuit de tes lèvres pétries au four des miennes, tes lèvres seront une farine, mes lèvres seront ton levain.

Et mes doigts et mes mains ne seront pas délaissés, je te les laisserai. Je t'investirai dans tous tes orifices, l'envers et l'endroit, pour te faire chevaucher les destriers du plaisir, et au dernier moment, ma chérie, ils te désarçonneront, tu ne connaîtras la dernière ruade que lorsque je l'aurai décidé. L'eunuque dispose de la reine douairière, relis l'histoire de Chine.

De ton corps brûlant, mes mains souligneront ta géographie. Ils se feront voiles, ils deviendront étoffes, ils seront pinces. Les pics de tes seins n'échappera pas à leur tenaille, tu crieras, en vain, la castration s'accompagne d'une perte de l'audition, tu ne le savais pas, lis donc sur mes lèvres, plus proche, plus près...

Et quand tu ne seras plus qu'une voix, qu'un feu, qu'une supplique, qu'une demande, quand tu seras à genoux, quand tu m'imploras, quand tu me prieras, peut-être, peut-être que tu auras la communion...

jeudi 11 septembre 2008

Les écrins de prose

Je me souviens de la première fois.

Je quittais le collège, elle devait y rester encore une année.

Elle portait, comme prénom, le nom d'une cité de Toscane. Moi qui goûte peu à l'Italie, cela sonnait comme un défi.

Elle était toute imprégnée de cette origine italienne. Un blond que l'on dit vénitien avait, un jour péninsulaire, trempé ses cheveux. Une blancheur de lait calabrais donnait à sa peau un air de parchemin. Et elle portait un nom de Toscane...

J'étais terrorisé, ce jour-là. Elle, très assurée, sereine car certaine.

Je me souviens de tout, comme si c'était maintenant.

Le canapé, des baisers, des baisers. Et puis, elle se lève, sa main tirant la mienne, nous emmenant dans sa chambre d'enfant. Sa jupe verte, à terre, ses collants noirs qu'elle a gardés, le temps que nous nous sommes restés allongés, pour poursuivre nos baisers, son petit pull noir, son soutien-gorge couleur chair, sa culotte en coton blanc...

Aucune tenue pourtant ne m'a jamais autant bouleversé que celle-là, dépareillée, quotidienne, ordinaire, des écrins de prose, moi qui rêvait, déjà, d'étoffes de poésie. J'aurai dû lui voler ces écrins de prose, pour les garder à jamais, dans un cahier de collège, coincés entre deux pages surchargées d'encre violette.

J'ai... non, nous avons retiré ses collants, un peu humides, à un certain endroit, puis ce morceau de coton, qui l'était beaucoup plus, elle m'a attiré en elle, avec un sourire, qui aujourd'hui encore me brûle le coeur, comme un tison ardent la plaie imposée par la tarentule insulaire.

Je me souviens de cette brûlure, de cet étau, de cette chaleur qui m'a envahi, comme transpercé. Je me souviens avoir pleuré. Je me souviens qu'elle m'a serré plus fort, en se taisant, il est des joies orphelines qui ne demandent que le silence.

Je me souviens de ces yeux emplis de moi, tandis que je la comblais de mon désir pour la première fois rangé, où l'anatomie le prescrit. Je me souviens qu'elle m'a dit "il faut bouger", j'étais comme paralysé par le venin de ses yeux, par le poison de son corps. Elle était vraiment florentine, une vraie Borgia.

Dans mon esprit masculin, j'ai retrouvé la mobilité. Je n'ai jamais su si elle avait du plaisir, le vrai, le souverain. Je me souviens à peine du mien. Etait-ce si important ? Ne devions-nous pas nous contenter de l'étreinte ? Je n'en ai jamais rien su, ni avoir jamais rien lu à ce sujet.

Mais, je me souviens d'après.

Car c'était bien, sur le canapé, à goûter des gâteaux sucrés, en buvant une boisson chocolatée.

L'homme, à peine né, ne veut pas quitter l'enfance.

Et pourtant, ce chocolat ne m'a jamais ramené à ce temps-là, ce temps d'avant, quand j'étais au seuil de sa porte, au seuil de ma naissance masculine, elle, qui était déjà une femme...elle, qui m'a fait homme...

mardi 9 septembre 2008

Chasseur de désir

Bien sûr, il faut parfois oser l'indécence.

On peut, on doit, on va, on a joué avec l'indécence. Parfois, souvent, elle est venue en transparence. Sans rien dessous, sans aucune étoffe, ni voile léger, ni même une gaze diaphane, aussi congrue que la moralité qu'il subsistait en son esprit.

Bien sûr, quand la main rencontre sans obstacle le creux intime, la toison adorée, on se sent Jason, on se sent vainqueur, et souverain. Bien sûr, l'émoi est grand, évidemment, l'invitation est plaisante.

La savoir offerte, déjà ouverte, prête à tout, y compris à se laisser investir, d'un trait, d'un coup, d'un seul, d'un jet d'archer, dans l'ascenseur, au pied de l'escalier est divin...

Bien sûr...

Mais j'aime autant le contact de ma main sur un voile qui protège à peine et qui renseigne beaucoup. Je me souviens d'un short diaphane blanc, quelques grammes de soie à peine, sous sa robe noire.

Après tant de baisers et de caresses, ma main est venue la toucher cette étoffe. Elle était toute humide, toute perlée de ce désir qui répandait des parfums comme un encensoir, comme un calice. Ce calicot appelle le sacrifice, la communion.

Et continuer alors à caresser en la pressant, en la parcourant, tandis que les flux ainsi nourris transforment la soie précieuse en un torchon, en une ficelle infâme et laide, qui se tord, qui se fiche dans la faille béante.

Les doigts sont parfois un bien mauvais couturier qui, du noble tissu, font un haillon.

Tandis que le désir dévaste cette digue de convenance comme un cyclone une butée de la Nouvelle-Orléans, le désir y creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et alors que nos mains affaissent, enfin, cette digue, et qu'elle s'écroule alors, mouillant à son tour la cuisse de celle qu'elle était censée protéger...

Et prendre d'une main conquérante ce vestige, ce bout de rempart, ce morceau souillé et sali, le renifler, l'hûmer, s'en imprégner et déposer comme un hommage sur les lèvres de celle qui le portait, il y a encore peu...

Non, mesdames, de temps en temps, souvent, s'il vous plaît, gardez ces attributs...

Ils sont comme nos trophées. En tout homme sensible réside un chasseur de désir...

lundi 8 septembre 2008

Comme un écho...

Tu étais dans ce café, devant moi, au fond.

A nos côtés, des Espagnoles.

Un café étroit, parisien, avec des serveurs en livrée.

Tu étais devant moi. Au fond une de ces horribles télévisions, branchée sur une chaîne cablée. Des images pré-digérées. Quelle idée incongrue un tel objet en un tel lieu.

Tu avais caressé ta peau d'un autre parfum. Un parfum, lourd, chargé, capiteux. Tu es une femme, tes essences sont ainsi.

Tom W. n'était pas là, et pourtant, je l'ai vu, sur un piano, avec un bourbon du Kentucky, en train de jouer pour toi et moi.

Sa voix cassée, seule, pourrait chanter notre amour.

Tu étais devant moi, belle comme toujours.

Un cadeau pour moi, qui ne suis que quelconque...

Tom sait ce que c'est, d'aimer quand on n'est pas digne d'un album photo, quand le photographe sur nous jamais ne s'arrête. Il sait ce que c'est. Et c'est pour cela qu'il jouait ce soir là, pour toi et pour moi.

Tu étais pleine de beauté. J'étais ivre de ta beauté. Je caressais ta cuisse sous la table, imperméable au monde et à ses conventions étriquées, et à tes préventions aussi.

Soudain, la raison, ta compagne, notre ennemi commun, a abandonné (un jour celle-là, je la tuerais, d'un coup, d'un seul, avec un glaive rapide, ou un poison perfide ou un mot livide, je ne sais encore...) et ta cuisse s'est rapprochée.

Ta peau douce, ton souffle haché, soudain, tu ne disais plus rien, les yeux grands ouverts, ma main qui te parcourait, tu ne disais plus rien.

Ma main jouait avec l'ourlet, avec le haut de tes bottes, avec le feston et l'ourlet et se laissait griser de la caresse de la gaze de cette étoffe légère sur ma peau et du contraste de ce voile avec la chaleur de ta peau.

Soudain, je t'ai serrée, fort, en haut des cuisses...

Tu as eu un hoquet, comme affolée...

Tu étais à moi, en cet instant...

Ton désir, sans doute, coulait, déjà...

Tes lèvres étaient plus roses, indice qui ne trompe pas.

Et là, d'une voix chargée, tu as appelé l'amant en moi... la prochaine fois que Paris m'accueillera...

Comment ne pas entendre encore aujourd'hui, moi qui ait franchi la Seine et tant de cours d'eaux pour rentrer chez moi, ce voeu ? Comment pourrai-je oublier ce cri animal ?

L'écho me tourmente. Tu as forgé de ta voix le golem du désir souverain...

Son heure approche...

vendredi 5 septembre 2008

Un soir avant un jour

Il meurt des ombres, il naît des nuits
Au long des nuages noircis...

Ainsi parlait le poète.

Je contemple la ville, endormie, du haut de ma terrasse. C'est le temps de l'étreinte et je suis seul. Mon grand lit est vide, la couette américaine, née en Nouvelle-Angleterre, n'abritera pas ce soir des corps rompus. Mon alcôve est déserte et désertée.

Et pourtant, tout est prêt. Je connais tous les sortilèges, tous les artifices.

Je sais choisir le vin idéal, je sais quelles bulles faire mourir dans ton gosier pour que tu deviennes une louve, une courtisane, une odalisque et au final une catin.

J'ai appris, par le Vénitien, l'effet secret des coquilles qui portent un nom de Saint et les vertus de leur jus marin.

Je sais comment te faire pâmer. J'ai su comment faire naître en toi un doux, un fort, un fol vertige, pour que toujours tu me reviennes, pour t'y abandonner avant de m'abandonner, encore une fois... J'ai aimé sous bien des latitudes, y compris dans la lointaine Asie. J'ai aimé dans le désert, j'ai adoré une jeune mariée dans les terres gelées par les grands froids, j'ai aimé sous une kippah, j'ai aimé kosher, j'ai copulé aussi, je l'avoue, sous un rite orthodoxe, là-bas, dans les terres soviétiques.

De l'amour, j'ai connu toutes les géographies et j'en sais bien des histoires. A qui les raconter ?

Sur quelles cartes tracerai-je de ma main usée les chemins, les fleuves, et les vastes plaines qui toujours meurent dans ce delta-là, croqué par Picasso ?

Mais tu n'es pas là. Et tu me manques.

Tu me manques et tu me déchires, par ce silence coupable.

Je sais que dimanche, je te verrai. Ce sera un lieu public.

Il y aura des tableaux, je ne les aime déjà pas, voir ces femmes nues, mortes déjà depuis des siècles, mais encore adulées par des Japonais curieux et flattées par des Parisiens qui se piquent de culture. Je ne suis pas nécrophage. Olympia n'habite pas là. De surcroît... Les madones sont des vierges, elles ne m'attirent pas ces femmes-là. Les nymphettes, les minettes, les déesses, les plantureuses de Rubens ne me font aucun effet. Je serai impuissant dimanche devant ces beautés de vignette, ces femmes à plat.

Oh, certes, devant les lions de Babylone, mon souffle s'arrêtera. Je m'interrogerai encore une fois sur les clous de fondation et me rappellerai ma campagne en Mésopotamie, il y a longtemps déjà, avec ces femmes aux yeux en amande. Mais cela ne t'intéressera pas, alors je le garderai pour moi, encore une fois.

Nous irons alors ensuite boire un verre ou deux, je prendrai ta main, jouerai avec tes lèvres, tes joues deviendront rouges, tes yeux s'allumeront, comme mon désir, mais ce sera en vain.

Tous ces désirs morts avant même d'être tués par toi, mon corps est un cimetière.

Tu seras pourtant si désirable, si séduisante, que je me laisserai abuser, par mes sens et par mes sentiments.

De ce cimetière, une tombe s'ouvrira, mais laquelle ?

Celle où je te raconterai qu'une fois prochaine, je glisserai sur ton sein, le droit, mon préféré, une perle de whisky tourbé. Tu m'as dit un jour en aimer la saveur agricole. Cette note là, tu ne la goûteras que sur mes lèvres, et dans le dessert qui suivra la mi-temps de nos ébats.

Ou ce cénotaphe, d'où je sortirai des voiles noirs pour t'attacher et te faire subir des jeux inventés exprès pour toi et que je tais, comme un inventeur inquiet ?

Peut-être même ce tombeau, celui où j'ai fais chauffer des huiles précieuses, des essences rares ramenées de mes voyages dans l'Asie où l'érotisme est loi et même un droit, pour les répandre sur ton corps et dans le moindre de tes orifices ? Et ensuite, tandis que le feu du désir coulera en toi, appelé par le brasier des huiles mélangées, tu crieras, composera le 18 sur tes lèvres ouvertes, car tes mains seront liées, irrémédiablement. Je laisserai les flammes te consumer, je serai le pyromane de ta douleur infâme à qui je suis lié, comme le forçat à sa chaîne, et puis, quand tu sera presque calcinée de ce feu premier, je viendrai, non pas éteindre (aucun humaniste ne sommeille en moi et je suis pyromane, ECOUTE MOI pour une fois...), mais apaiser tes creux intimes avec le baume dont tu aimes sentir l'écoulement au plus profond de toi... Oui, ce baume là, tu rougis, tu es bouleversée, et tu me dis des mots insensés.

Ou alors, ce monticule, ridicule, car je suis un être ridicule, moins fort que facebook, et dont les miroirs effacent jusqu'à l'ombre, cette pelée de terre, jetée sans précaution, d'où sortiront trois mots, et un, et deux, et trois... mais lesquels ? Je t'aime ? Je te quitte ? Je te désire ? As-tu soif ?

...

Et déjà mon cimetière se renferme, les tombes se scellent jusqu'à la fois prochaine... ou jusqu'à la prochaine fossoyeuse. Mais n'est-ce-pas la même chose ?

jeudi 4 septembre 2008

Ma première littérature érotique

Il y a bien sûr toujours une première fois.

Une première fois à tout.

Un premier baiser...

Une première caresse, la première main dans la vôtre, la première étreinte...

Mais dans notre monde, il y a aussi, le premier écrit qui met le feu aux joues et qui, soudain, anime les sens. Une expérience insolite, qui ne surgit pas nécessairement d'un ouvrage, au relief érotique évident.

Mon premier émoi érotique, d'un point de vue littéraire, a été trouvé dans la bibliothèque rose. Oui, la bibliothèque rose....

La couleur, déjà, suggérait l'alcôve, et les longs voiles aux rubans des films avec Angélique. Le rose n'était pas, en ce temps là, libertin, mais il était déjà bien polisson.

Et sur le lent et long sentier lumineux de la prime enfance, un livre, qu'écrivis-je, une saga, a nourri certains de mes rêves, qui me laissaient fébrile, ardent, ivre d'une sensation, qui n'en était encore qu'à sa préhistoire, la sensation du désir.

Cette saga avait, comment en aurait-il pu être autrement, une héroïne. Et quelle héroïne !!!

De cette héroïne, jamais, je n'ai connu le prénom.

De cette héroïne, jamais je n'ai vu le visage en entier, dans sa charmante globalité...

Cette héroïne, c'était Fantômette...

Fantômette... (soupirs...)

Elle a nourri certains de mes rêves les plus fous (embrasser Fantômette !!!!), exacerbé certains de mes désirs (retirer le masque de Fantômette, admirer ses jambes toujours gainées et les parcourir...) et déjà, déjà, cassé bien des tirelires... de celles en rose, évidemment, en forme de cochon...

Moi aussi, je suis devenu polisson...

Et devant le fil dévidé de la pensée, coloré par cette couleur inimitable de la nostalgie, je viens de me rendre compte que la femme de ma première vie, en fait, c'est Fantômette...

Fantômette, où es-tu ?

Dis-moi que tu es célibataire, divorcée, adultérine, convertie, toujours mystérieuse, toujours prête à défendre l'orphelin (je suis orphelin... j'écris cela en passant...), avec ses collants noirs (certainement des Woolword, Fantômette était une fille de goût...), ses mèches rebelles et son sourire ingénieux. Fantômette qui pouvait jogger aussi, Fantômette qui n'aimait pas les furets mais qui aimait les salons de thé... Fantômette était une femme de tête, mais elle était aussi une pratiquante des jeux avec des cordes et des ficelles. Combien de fois elle s'est retrouvée attachée, soumise, dominée ? Fantômette m' a initié ainsi, un peu, aux jeux BDSM.

Fantômette contenait tout l'érotisme, elle le répandait, comme un soir orageux dispense les parfums comme écrit le poète.
Fantômette, ou ma découverte de l'érotisme littéraire.

En plus, elle ne fait pas son âge... Ce doit être une femme Barbara Gould...

Etre amoureux d'un personnage de fiction, c'est bien ma chance, c'est même l'histoire de toute ma vie.

Le second opus érotique me fit franchir un seuil, toutefois, mémoire d'une chanteuse allemande, dans une bibliothèque rose, aussi, mais d'un rose tirant franchement sur le rouge... Le rose appelle le rouge, c'est naturel.

Merci à toi, jolie petite brunette d'avoir mis du rouge dans ma vie avec le rose de ta couverture et le noir de tes collants...

mardi 2 septembre 2008

Eloge d'une femme mûre (suite et fin)

Le repas est passé, agréablement, nous n'étions pas des commensaux.

Nous étions même assez éloignés l'un de l'autre... La fin du repas a sonné, un regard, un seul, sans insistance...

Tout était évident, comme cela peut l'être dans de tels moments. Le corps a ses langages, et les mots sont superfétatoires, des accessoires d'un autre âge, rangés, ailleurs, loin... Ce soir, était venu le temps d'une autre grammaire...

Je remonte dans ma chambre, branche l'ipod... laisse ouverte la fenêtre qui donnait sur un parc, la vie forestière donnait comme un écho champêtre à la musique qui retentissait.

Deux coups à ma porte... Furtifs, mais décidés... Comme si je rêvais.

Mais je ne rêvais pas.

Elle est entrée, fraîchement parfumée, remaquillée. Qui écrira un jour combien il est touchant pour les hommes de bénéficier d'autant d'attentions et d'intentions de la part des femmes qui leur sont proches ? Elle a posé son sac sur le bureau.

C'était un album de Miles. Je vous raconterai un jour le caractère assurément érotique de cet album là, qui permet d'aimer une nuit entière, avec cent variations l'amante noyée dans votre couche, qu'il va falloir ranimer de votre bouche.

Nos lèvres ont été closes de suite.

Une fois encore, en bon ambassadeur de ce que nous avons de meilleur, je lui ai donné le remords de ne pas vivre en terre de France, là où les hommes embrassent avec délice, en ne dédaignant pas employer la langue, instrument incomparable du désir. Seul le Français ou la Française donne au mot embrasser sa réalité pleine et entière.

Une fois encore, en plénipotentiaire avisé, je lui ai montré que la langue ne servait pas qu' à embrasser, mais qu'elle était à la fois un aiguillon du désir et un de ses serviteurs. Pas une once de sa peau germaine n'a échappé à ma langue gauloise. Ce jour-là, la Guerre de Trente ans a été effacée de notre histoire...

Et puis, ma langue est descendue, plus bas, au creux de ses jambes, sur, d'abord... sa faille charnelle, puis aux alentours, ne pas se presser, le Français aime laisser le temps au temps... Puis, insensiblement, tandis que mes doigts parcouraient la géographie de son ventre, la vallée de ses seins, puis enfin les replis plus intimes, trop souvent délaissés. C'était ma proie, c'était mon butin, j'étais un reître, un soudard de l'amour... Elle était mienne, j'étais souverain.

Ma langue enfin a pénétré sa fente intime, d'un trait, d'un jet, comme un aiguillon, pour lécher et puis de temps à autre absorber comme pour l'extirper son clitoris... Elle a entonné alors un monologue, une sorte de sabir en allemand et en français, tour à tour adagio et forte. La jouissance approchait au fur et à mesure de mes sussions, toujours arrêtées au moment ultime, pour qu'elle ne soit plus qu'une corde prête à se rompre, qu'elle appelle, qu'elle supplie, qu'elle crie... Elle était ma proie, mon butin, j'étais un soudard, mercenaire de l'amour...

Mais hélas le gentleman en moi a tué le vilain soudard, et d'une pression plus forte, elle a joui, en me serrant de l'étau de ses cuisses, me comprimant tout en exhalant un soupir sans fonds...

Je me suis écarté ensuite, tandis qu'elle s'apaisait, j'ai voulu l'embrasser, lui faire goûter son propre désir, elle m'a essuyé les lèvres d'une de ses mains... Les moeurs germains auraient gagné à ce que nous annexions l'autre rive du Rhin.

Puis, elle m'a allongé à son tour, pour me cueillir de ses lèvres, dans l'intention évidente (elle me repoussa à chacune de mes tentatives pour me redresser) de me faire venir dans ce doux fourreau...

Il est des moments où la raison abandonne et où le plaisir détonne... J'ai donc capitulé...

J'étais sa proie, son prisonnier...