lundi 29 septembre 2008

A une passante...

Il est des histoires d'amour que l'on ne commence jamais et qui pourtant, ô paradoxe, ne se sont jamais terminées. Elles vivent encore en nous et brûlent d'un feu inextinguible.

Je me souviens de plusieurs d'entre-elles. C'est un peu l'histoire de toute ma vie, ces histoires jamais commencées et qui auraient changé ma vie et les autres commencées que je n'aurai jamais dues entamer.

Je me souviens de ce métropolitain qui me transportait vers le Cinquième.

Je me souviens du livre que je lisais.

Soudain, un regard, sur moi. Comme une presse.

Je lève la tête, regarde et découvre un adorable condensé de féminité devant moi de l'autre côté de la porte coulissante, qui me sourit de ses yeux lumineux.

Je me retourne, pour voir qui est l'heureux(se) élu(e)...

Derrière moi, personne...

Je me retourne, toujours ce sourire, et tout en me regardant, elle fouille dans son sac et sort un livre...

Le même que le mien...

Il y avait bien peu de chance de rencontrer quelqu'un possédant ce livre là, d'un auteur peu connu, publié dans une maison confidentielle.

Presque aucune...

Le métro s'est arrêté, elle s'est levée, toujours souriante, je n'étais plus qu'une théorie de particules éparses, décomposées, en pleine accélération dans le synchrotron de ses yeux.

Ses yeux n'ont pas quitté les miens...

La porte s'est refermée, le métro s'est ébranlé...

Je ne l'ai jamais revue.

Et pourtant, en moi, son souvenir encore résonne, comme pour bien peu de personnes.

"ô toi que j'eusse aimée, ô toi, qui le savais..."

13 commentaires:

Anonyme a dit…

Et quel etait donc se livre, générateur de connivence, de complicité
muette ?

Anonyme a dit…

je ne crois pas aux coincidences
au hasard mais plutôt à mes sens
et dans l'unicité que nous sommes
parfois un petit "commun" raisonne

Ce texte m'a vraiment chamboulé
car il m'a rappelé et j'ai voyagé
dans ce sourire silencieux
dans ce partage avec les yeux

Anonyme a dit…

Vous avez vraiment des mots délicats... même si c'est encore pour nous raconter des regrets...

Savinien a dit…

@ Perséphone : les mutilés, d'Hermann Ungar...

Savinien a dit…

@ Multi-sourires : pas de hasard, pas de destin, pas de coïncidences, pas de dieu, pas de maîtres... Une communauté de sens et d'intérêts, parfois, oui...

Savinien a dit…

@ Lysis : le regret est l'artifice du passé pour ne pas se faire oublier, proverbe corse de ma pieve...

Non, ma chère lectrice, pas de regrets, juste un écho agréable à mes sens. Je vis dans le présent, le passé est passé et ne peut revenir. C'est la définition même du passé, non ;-) Mais il est parfois des passés, qui ne veulent pas (tré)passer...

Anonyme a dit…

Fulgurance de l'instantané, du moment suspendu, de l'éternité ramassée dans un instant. Une cosmologie, un univers, dans un moment fugace.

Il faut savoir, effectivement, ne pas les transformer en regret ou en remord. Sinon, ils vous rongent.

B

K a dit…

C'est beau... tout simplement...

Savinien a dit…

@ Petite Franç@ise : vos mots sont les miens...

Savinien a dit…

@ Ange solaire : merci ô ange ensoleillé.

Anonyme a dit…

le passé qui a du mal a passé est rarement doux car il est douloureux dans le présent,trop.

parfois,la mémoire peut etre notre pire défaut...

On aimerait qu'il soit passé et oublié,on aimerait,pour ne pas souffrir.
Mais ça cogne dans nos têtes!

Savinien a dit…

@ Angie : Parfois, oui, le passé ne vaut pas passer, il ne veut pas (tré)passer. Alors, pour le faire passer, ce passé trop présent, il faut le tuer, le dépasser, faire du présent son tombeau. Ce n'est pas aisé, j'en conviens... Mais nécessaire.

Anonyme a dit…

Emotion joliment traduite. Etranges, ces perles du passé qui nous reviennent parfois, avec une troublante précision...